Pour Nexter et Krauss-Maffei Wegmann, engagés dans un rapprochement historique, les projets de développements communs des deux champions de l’armement terrestre passent d’abord par les chars lourds. C’est ce qui ressort d’une audition commune de leurs PDG respectifs, Philippe Burtin et Frank Haun, devant la commission de la défense de l’assemblée nationale et dont le compte rendu vient d’être mis en ligne.
« Le plus important, c’est la prochaine génération de chars lourds. Dans cinq ans, nous aurons avancé dans le processus de développement d’un nouveau char lourd – qu’il s’appelle Léopard 3, Leléo ou Léoclerc, peu importe : il sera développé en commun, et pourra commencer à équiper nos forces à l’horizon 2025-2030 pour remplacer les chars Leclerc et Léopard 2 dont la base technologique commence à dater », a déclaré Frank Haun. Avant de faire un parallèle avec ce qui se passe à Moscou : « Renouveler ces matériels est indispensable : d’ailleurs, les Russes ne s’y trompent pas, et leurs travaux de développement en la matière avancent à plein régime. »
Les Américains ont du soucis à se faire
Un char lourd franco-allemand vers 2025-2030 ? On verra car, à cet horizon, le Leclerc devrait encore bénéficier de sa rénovation à mi-vie qui sera intervenue d’ici là. Tout comme il faudra voir si les armées de terre des deux pays seront capable de se mettre d’accord sur un besoin commun. L’expérience en matière de drone ou d’avions de combat incite à la prudence.
Quoiqu’il en soit, les deux industriels ont d’autres projets de collaboration, toujours selon Frank Haun, qui évoque « trois secteurs particulièrement prometteurs » : l’artillerie entièrement automatisée, les munitions intelligentes et les armements lasers. « Autant de domaines dans lesquels les Américains ont du souci à se faire ! », a-t-il prévenu. Là encore on verra...
En attendant, le projet baptisé KANT de rapprochement de Nexter et de KMW semble se poursuivre sans problème particulier. Il prévoit que l’Etat français et la famille Wegman se partagent une holding à qui vont être apportées les actions de chacune des deux entreprises qui resteront indépendantes juridiquement. Cette situation de co-contrôle est prévue pour durée cinq ans. L’objectif, au delà, étant d’opérer une véritable fusion.
Les deux entreprises sont de tailles comparables. En 2014, Nexter a réalisé 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires, contre 750 millions environ pour KMW, et signé pour 1,24 milliard de commandes, contre plus d’un milliard pour son partenaire allemand.
Vers un accord sur les exportations
Deux points notamment doivent encore être résolus pour pouvoir baptiser KANT officiellement. Il y a d’abord celui de la valorisation respective des deux entreprises avec versement d’une soulte pour régler la différence. A ce sujet, Philippe Burtin a démenti le chiffre qui a circulé de 500 millions en faveur de Nexter. « Cette rumeur ne se fonde sur rien de concret », a-t-il assuré. « Dans les semaines et les mois qui viennent, il y aura probablement de nouvelles rumeurs du même type. En effet, le projet KANT est critiqué par certains acteurs du secteur, qui s’attachent à créer des inquiétudes au sein de la partie française en vue de bloquer notre projet », a ajouté son alter ego.
L’autre point important concerne le régime d’autorisation d’exportation qui encadrera les armements conçus en commun. Paris et Berlin travaillent à une actualisation des accords Schmidt-Debré, du nom des deux anciens premiers ministres et qui date des années 70. C’est un sujet sensible car le gouvernement Allemand est divisé sur cette question au point d’avoir bloqué la vente de missiles de MBDA ou de blindés de RTD comportant des composants fabriqués outre-Rhin.
Mais les choses semblent bouger à Berlin, selon Frank Haun : « En ce qui concerne la réglementation applicable aux exportations d’armements, je suis confiant dans nos chances d’aboutir à un accord, même si le compromis qui sera trouvé ne sera pas nécessairement à la hauteur de nos espérances de départ. Mais si, dans le futur, l’on arrive à une solution aux termes de laquelle le contrôle de l’exportation d’un matériel conçu en commun relèvera du Gouvernement français dès lors que la part allemande dans leur développement n’excédera pas 20 %, cela signifie que la probabilité est forte que nous développions nos produits à 80 % en France, alors que je souhaite rester à parité. Si je suis confiant, c’est parce qu’en Allemagne, le débat sur les exportations d’armement fait beaucoup de bruit, mais qu’in fine et concrètement, il n’en demeure pas moins que par exemple le Qatar et Singapour sont aujourd’hui mes principaux clients export. »
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Nexter et KMW rêvent d’un char lourd franco-allemand
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