Les 24 Rafale vendus à l’Egypte seront-ils un simple hors-d’œuvre avant le plat de résistance que constitueraient les 126 appareils visés par l’Inde ? Alors que les négociations ont été engagées avec les autorités indiennes depuis plus de trois ans, personne n’est en mesure de dire si et quand elles vont déboucher. « Fondamentalement, le contrat égyptien ne change rien aux discussions », estime un industriel du camp Rafale à New Delhi.
Les Indiens décideront d’acheter ou pas l’avion français en fonction de leurs critères propres. Les deux contrats sont en outre très différents. Là où l’Egypte procède à une acquisition simple d’avions fabriqués en France, l’Inde impose la construction chez elle de 108 appareils. Ses exigences en matière de transferts de technologie et d’offset (les fabricants du Rafale, Dassault, Thales et Safran, seront obligés de procéder à de très importants achats en Inde) rendent les discussions extrêmement complexes. Selon Eric Trappier, PDG de Dassault Aviation, qui s’exprimait hier dans « Les Echos », son groupe a répondu aux demandes de New Delhi et, désormais, « la balle est dans le camp indien ». Mais il est difficile de déchiffrer les intentions du gouvernement de Narendra Modi. Voici quelques semaines, le ministre de la Défense, Manohar Parrikar, a fait sensation en affirmant à deux reprises que, si le contrat Rafale ne se faisait pas, l’Inde pourrait se rabattre sur une extension de sa flotte de chasseurs russes Soukhoï Su-30MKI. C’était la première fois que le ministre chargé du dossier évoquait, premièrement, l’éventualité d’un échec des négociations et, deuxièmement, l’existence d’une solution de rechange toute prête (les Su-30 sont montés en Inde par le groupe public HAL, celui-là même qui doit prendre en charge la fabrication des Rafale).
Les Soukhoï moins chers
Bien sûr, ces propos peuvent refléter une simple position de négociation : le camp français ayant souvent manifesté beaucoup d’assurance sur le thème « de toute façon, le contrat va se faire parce que l’Inde ne peut se passer du Rafale », il est de bonne guerre pour New Delhi de faire remarquer que l’Inde a des alternatives. Mais l’hypothèse d’un recours aux chasseurs russes ne sort pas de nulle part : il y a en Inde dans les milieux de la défense un courant qui défend cette thèse depuis le début. Car les Soukhoï reviendraient nettement moins cher. Hier, le très respecté chroniqueur militaire du quotidien « Business Standard » affirmait que les services du ministère de la Défense sont arrivés à la conclusion que le Rafale est en fait plus cher que son concurrent malheureux Eurofighter sur l’ensemble de son cycle de vie, contrairement à ce qui était estimé au moment de l’appel d’offres. Conclusion du journal : le contrat du Rafale est « effectivement mort »…
Deux échéances proches permettront peut-être d’y voir plus clair. Le ministre des Finances présente à la fin du mois le budget pour l’année fiscale 2015-2016 commençant le 1er avril : une augmentation importante du budget d’acquisition de la Défense pourrait correspondre à l’achat programmé des Rafale.
En deuxième lieu, Narendra Modi doit venir en visite officielle en France en avril, ce qui pourrait stimuler les négociateurs. Même si « les accords sont rarement liés à de telles échéances », souligne un professionnel de la défense.
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Rafale : suspense maximal sur le contrat indien, les Echos
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