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L'"Izumo", symbole du renouveau militaire japonais

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Au sein de la base navale de Yokosuka, à 70 km environ au sud de Tokyo, le dernier fleuron de la marine de guerre japonaise, le porte-hélicoptères Izumo, étale sa grande masse grise. Avec ses 248 mètres de longueur et ses 19 500 tonnes de déplacement à vide (contre respectivement 199 mètres et 16 000 tonnes pour son équivalent français le Mistral), c'est le plus gros navire de combat construit au pays du Soleil-Levant depuis la Seconde Guerre mondiale. Dans l'archipel qui s'apprête tout juste à sortir de sa posture exclusive d'"autodéfense", il demeure difficile d'obtenir une définition précise du rôle de ce nouveau navire amiral.

Notre visite du bord est rapide : dans des coursives qui n'ont visiblement pas encore été beaucoup fréquentées, les parois sont immaculées, les tuyauteries rutilantes et les odeurs de peinture tenaces. La réputation de propreté immaculée des navires japonais n'est plus à faire, mais tout de même... Direction le pont d'envol. Complètement dégagé, il ne porte pas de trace de manoeuvre aérienne sur les cinq plots d'accueil des sept hélicoptères "de patrouille" et des deux hélicoptères "polyvalents" du bord. Normal : entré en service le 25 mars dernier, il n'est visiblement pas encore opérationnel.

Contribuer à la stabilité régionale

Au Japon, le secret n'est pas un vain mot et l'ouverture dont fait part l'état-major en invitant quelques journalistes français à bord de l'Izumo possède ses limites. Après avoir expliqué qu'il a appris notre langue dans le vain espoir de correspondre avec Sophie Marceau, le capitaine de frégate Motayama, néanmoins appuyé par un officier de communication, s'en tiendra à un discours des plus limités. Le navire doit "contribuer à la stabilité régionale" et à la lutte contre les catastrophes naturelles. Les opérations futures ? "On n'a pas le droit d'en parler !" Pour l'instant, il s'agit donc de "constituer un esprit d'équipe et nous entraîner pour les missions éventuelles que l'État nous confiera". Mais encore ? L'Izumo aura "la même vocation et la même mission" que le destroyer Shirane, qui partira à la casse cette année après vingt-cinq ans de service. Nous ne sommes pas plus avancés...

Vocation anti-sous-marine

La réalité, qui n'a pourtant rien d'inavouable, c'est que l'Izumo est un puissant navire de lutte anti-sous-marine et d'assaut aéroporté. L'équipage pléthorique de 470 personnes (contre 170 pour le Mistral) peut être complété par 500 "passagers". Sept des hélicoptères en permanence à bord sont des appareils de lutte anti-sous-marine SH-60 Seahawk construits sous licence par Mitsubishi et les deux appareils polyvalents spécialisés dans le sauvetage sont des EH-101 Merlin d'Agusta-Westland.

Mais, surtout, la configuration du hangar permet de multiplier ce nombre par quatre et d'embarquer 28 hélicoptères au total. Partenaire du programme de chasseur américain F-35, le Japon a acheté le modèle F-35A, destiné à opérer depuis la terre. Mais aucune objection technique n'empêcherait l'Izumo d'embarquer la version F-35B à décollage et atterrissage vertical. Ce navire entrerait alors dans la famille des porte-avions légers qui équipent notamment les marines italienne (Garibaldi), espagnole (Principe de Asturias), ces deux derniers étant néanmoins plus modestes. Lors du lancement de l'Izumo en août 2013, la Chine s'était d'ailleurs dite "préoccupée par l'expansion constante des équipements militaires du Japon. Cette tendance appelle une vigilance accrue de la part des voisins asiatiques du Japon et de la part de la communauté internationale".

Sept porte-hélicoptères

Selon les caractéristiques affichées de l'Izumo, il n'est pas prévu pour embarquer un état-major de forces navales multinationales, ce que peuvent faire les porte-hélicoptères français oeuvrant au sein de l'Otan. Mais il peut cependant embarquer un important état-major tactique de la marine japonaise. Autre différence avec les navires français de la série Mistral : il ne dispose pas de radier - cette grande soute immergeable pouvant embarquer des chalands de débarquement - et ne peut donc pas débarquer des troupes d'assaut par la mer. Et s'il peut embarquer des camions, ce n'est pas le cas de chars. Faut-il s'en étonner ? Sans doute pas... Car l'Izumo est en fait le sixième porte-hélicoptères moderne dont se dote la flotte de la force d'autodéfense japonaise en quelques années. Et elle en comptera sept au total lorsque le jumeau de ce dernier-né sera sorti du chantier d'ici quelques mois.

Pour protéger cet archipel immense dont plus de 99 % des approvisionnements arrivent par la mer, la capacité anti-sous-marine est primordiale. Et les hélicoptères y sont particulièrement adaptés. Les Japonais ont donc choisi de multiplier les navires capables de conduire cette mission avec des hélicoptères et des navires de trois types affichent la silhouette caractéristique des porte-hélicoptères. L'Izumo (19 500 tonnes) est en haut de la gamme, suivi par les deux navires aux caractéristiques très proches, mais d'une taille inférieure d'un tiers (13 900 tonnes), le Hyuga (entré en service en 2009) et le Isé (2011). Enfin, les trois navires de la classe Osumi (8 900 tonnes) sont des porte-hélicoptères d'assaut emportant des hydroglisseurs pour faire accéder des combattants aux côtes.

Conflits de souveraineté

Dans un contexte régional marqué par des conflits de souveraineté avec la Chine (mer de Chine) et la Russie (archipel des Kouriles) et un très net regain des tensions, le Japon ne peut en aucun cas se permettre de subir une humiliation militaire. Le sentiment général, c'est que la Chine, dans l'état actuel des choses, ne choisira pas de recourir à la force. Pour autant, cette éventualité n'est pas exclue et le Japon se prépare à toutes les situations. Avec plus de 300 000 kilomètres de côtes et plus de 4 000 îles dont certaines attisent des convoitises bien réelles de voisins agaçants, le pays remet à plat sa défense, organise sa montée en puissance et s'apprête à renégocier ses alliances. D'abord avec les États-Unis, ensuite avec ses voisins asiatiques, enfin avec ses alliés de la ceinture pacifique, dont fait partie la France. Ce n'est pas un hasard si, récemment, les ministres français Jean-Yves Le Drian et Laurent Fabius ont fait le voyage de Tokyo pour tisser de nouveaux liens. Une nouvelle époque s'ouvre pour le Japon et l'Izumo en est une expression symbolique, parmi d'autres.



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