Spécialiste mondial de l’aéronautique civile ou militaire, Richard Aboulafia estime que le Rafale profite à plein du différend entre Washington et les monarchies du Golfe.
Aucun contrat en 20 ans et là 48 commandes fermes et 36 engagements d’achat en moins de trois mois. Comment expliquez-vous cela ?
Le Rafale réussit très bien car il profite de deux développements a priori hautement improbables. Le premier tient au différend politique entre les Etats-Unis et les pays du Golfe arabique au sujet des printemps arabes, particulièrement avec l’Egypte, et de l’accord nucléaire avec l’Iran. Le second, c’est le repli sur soi du Royaume-Uni. Londres n’a jamais été aussi peu impliqué dans les affaires géopolitiques mondiales en cent ans !
Dassault a toujours déclaré que le but des Etats-Unis était de rayer la France du marché des avions de combat. La faiblesse de la diplomatie américaine explique-t-elle beaucoup le succès du Rafale à l’exportation ?
Absolument. Le différend entre les Etats-Unis et les pays arabes du Golfe est probablement la raison numéro un du succès du Rafale. En matière d’acquisition d’armements, les pays arabes ont toujours pratiqué la double source auprès des Européens et des Etats-Unis, mais ce différend diplomatique récent les pousse à mettre en avant les premiers. Comme le Rafale est peu ou prou un avion 100 % français, ces pays n’ont absolument pas à craindre que la France puisse être bloquée à l’exportation.
Quel avenir voyez-vous pour l’Eurofighter, le concurrent d’Airbus, BAE et Finmeccanica, dans le Golfe ?
L’Eurofighter n’est pas en bonne situation dans la région. La France y est perçue comme s’engageant énormément. Le Royaume-Uni, à l’inverse, comme extrêmement isolationniste et donc comme un partenaire stratégique moins fiable. Qui plus est, du fait des coupes importantes dans les budgets de défense anglais et allemand, la feuille de route technologique de l’avion apparaît moins solide que celle du Rafale. La production de l’Eurofighter a des chances de s’arrêter vers 2018, à moins d’une deuxième commande de l’Arabie Saoudite.
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Richard Aboulafia : « Le Rafale profite des positions diplomatiques américaines dans le Golfe »
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