Objectif 2017 : chez MBDA, on continue de tout mettre en œuvre pour que le successeur du missile de combat terrestre Milan puisse être livré dans quatre ans à l’armée de Terre. La signature fin 2013 par la Direction générale de l'armement (DGA) d'un contrat de développement et de production d'un montant global d'environ 550 millions a achevé de mettre sur les rails cet armement de nouvelle génération, dont les premiers exemplaires doivent être livrés dans moins de quatre ans.
Des sommes importantes ont déjà été engagées depuis 2009 par l’industriel, qui n’entendait pas se faire "sortir" durablement du marché historique des missiles de combat terrestre au profit des industriels américains et israéliens. Faute de solution disponible sur étagère chez MBDA pour répondre à son besoin opérationnel, l’armée de Terre avait en effet commandé en urgence un lot de 260 missiles américains Javelin en 2010, en attendant de pouvoir investir dans un remplaçant pérenne pour ses Milan.
Fin 2011, la Direction générale de l’armement (DGA) attribuait à MBDA un contrat de levée de risques d’un an qui a permis de valider certains choix techniques retenus par l’industriel. « Cinq éléments principaux étaient visés par cette étude, explique Vincent Guibout, ingénieur en chef du programme MMP chez MBDA. L’autodirecteur, la bobine de fibre optique, le soutien, le poste de tir et les performances globales du système. »
Gain de performances.
Chacun de ces éléments promet d’offrir un gain de performances important par rapport au Milan actuel, et même par rapport aux concurrents directs que sont le Javelin américain ou le Spike israélien. L’autodirecteur, conçu par Sagem, est un système bimode : il associe un capteur infrarouge non refroidi (gage de compacité et de maîtrise des coûts) à une caméra TV « jour » pour conférer au MMP la capacité « tire-et-oublie » désormais si chère aux opérationnels et qui manquait jusqu’alors à la famille Milan. « Plusieurs démonstrations des performances de cet autodirecteur ont été menées, souligne Vincent Guibout, allant jusqu’à des vols portés de caméras représentatives sur un Puma du CEV pour vérifier les algorithmes de traitement d’images. »
Caractéristiques
• Portée maximale 4 000 m
• Portée minimale 160 m
• Vitesse moyenne 160 m/s
• Masse du poste de tir 11 kg (avec batteries et trépied)
• Masse de la munition 15 kg
• Calibre 140 mm
Le MMP fera entrer MBDA dans l’ère du missile de combat terrestre de type « tire-et-oublie », mais il n’en gardera pas moins un « fil à la patte » qui pourra servir en cas de besoin à affiner ou changer le point d’impact. A cet effet, une fibre optique développée par Nexans servira à rapatrier les images collectées par l’autodirecteur du missile vers le poste de tir et, dans l’autre sens, à contrôler le missile pendant son vol. Des essais de déroulement ont déjà eu lieu en laboratoire, précise-t-on chez MBDA. Une solution déjà bien connue des utilisateurs du Spike israélien qui dispose aussi de cette fonction « homme dans la boucle », permettant notamment une meilleure maîtrise des effets collatéraux.
Une ergonomie soignée.
Le nouveau poste de tir MMP a lui aussi fait l’objet de plusieurs itérations afin de trouver la configuration la plus adaptée à ce missile de nouvelle génération. « Des personnels de l’armée de Terre nous ont aidés à en affiner l’ergonomie », souligne le chef du programme. Résultat : un poste bien plus léger que celui du Milan (11 kg avec batteries et trépied), mais dont les performances optiques sont compatibles avec les nouvelles exigences de détection et d’identification des cibles. Ces performances ont d’ailleurs pu être démontrées fin 2012 et ont donné toute satisfaction aux militaires et à la DGA. « Dans le développement du MMP, nous avons également pris en compte dès le départ les contraintes de soutien du missile », insiste par ailleurs Vincent Guibout. L’idée étant de faciliter les opérations de maintenance au niveau des unités (NTI1 et 2) en permettant, par exemple, un démontage plus facile des différents sous-ensembles du poste de tir.
Qu’en est-il du missile lui-même ? Suite à deux campagnes d’essais en soufflerie menées en 2010 et en 2011 à l’Onera, la configuration aérodynamique a pu être figée. Quatre gouvernes aérodynamiques déployables permettront d’assurer le pilotage du missile pendant son vol ; afin d’afficher une capacité de tir en espace confiné, un système d’éjection dérivé de celui de l’Eryx permet d’assurer la sécurité du tireur, les gaz propulsifs étant coupés avant la sortie du tube.
Tir en chandelle.
Le propulseur principal, développé par Roxel, prend le relais quelques instants plus tard : il emportera le missile à sa vitesse de croisière d’environ 160 m/s, qui permet une portée cinématique maximale d’environ 4 000 mètres. Deux modes de tir pourront être adoptés selon la configuration du terrain et la nature de la cible : une trajectoire tendue ou un tir en chandelle (« top-attack ») permettant de frapper un char de combat sur sa tourelle (là où il est le plus vulnérable) ou de s’affranchir du relief.
Cette dernière option, rendue possible par la présence d’une centrale inertielle fournie par Sagem, permettra aussi à l’armée de Terre de disposer d’une première capacité dite de « tir au-delà de la vue directe », ou TAVD, qu’elle appelle de ses vœux.
Dérivée de celle du Milan actuel, la charge militaire développée sur fonds propres est une charge tandem devant permettre de venir à bout des blindages réactifs de dernière génération tout en affichant de bonnes performances dans des applications anti-infrastructures.
Pour le patron du programme, l’objectif est de pouvoir mener un premier tir propulsé de courte portée à Bourges dès 2014. « Nous enchaînerons ensuite progressivement sur des tirs de portée plus importante, en vue de pouvoir entamer la qualification du missile à partir de 2016 », précise Vincent Guibout. Et de livrer de premiers missiles de série l’année suivante, afin de pallier le retrait du service des premiers Milan devenus obsolescents. Au total, dix à vingt tirs devraient être nécessaires pour boucler le programme de développement et de qualification.
Ambitions à l'export
Fixée un temps à 3 000 missiles, la cible d’acquisition du MMP pour la France a dû être dans le cadre de l'actuelle loi de programmation militaire pour la période 2014-2019. Au total, seuls 400 postes de tir et 1550 missiles devraient être livrés à la France entre 2017 et 2014, sur une cible d'acquisition globale portant sur 2850 missiles. Anticipant ce contexte budgétaire contraint, MBDA parie déjà sur le succès commercial de son nouveau missile à l’international pour assurer la rentabilité du programme sur le long terme. « Nous tablons sur environ 9 000 MMP à l’export », explique-t-on chez l’industriel.
De fait, les missiles antichars de la marque s’exportent toujours bien. Des milliers de Milan 2 ont été écoulés de par le monde, et la nouvelle version Milan ER qui fut proposée sans succès à l’armée de Terre vient également de trouver preneur à l’international avec une commande de lancement en provenance du Qatar. Reste à savoir si le MMP permettra de prolonger ce succès au-delà de 2020. C’est en tout cas le pari qu’a fait MBDA en prenant à sa charge l’essentiel du développement et des risques pour ce programme qui doit conforter la présence de l’industriel européen dans le domaine historique de l’antichar, quand certains appelaient à l’achat d’une solution sur étagère. S’avérera-t-il payant ? Réponse au tournant de la décennie…