Shinzo Abe, le Premier ministre japonais, a annoncé, hier soir, une réinterprétation profonde de la Constitution pacifiste de l’Archipel, qui pourrait permettre aux forces armées du pays d’intervenir, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, sur des théâtres étrangers. Le chef du gouvernement conservateur a expliqué que son administration autoriserait désormais, sous des conditions très strictes, l’armée du pays à exercer un droit à l’« autodéfense collective ». Les troupes pourront ainsi se porter au secours d’un allié attaqué par un tiers si l’exécutif venait à estimer qu’aucune autre alternative n’est possible et que la sécurité même de l’Archipel est en jeu.
Jusqu’à la fin des années 2000, une telle intervention était jugée totalement inenvisageable par les élites nippones, qui pointaient la force de l’article 9 de la Constitution adoptée, dans la défaite, en 1947, pour empêcher toute renaissance d’une tentation hégémonique dans le pays.« Le peuple japonais renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation, ou à la menace, ou à l’usage de la force comme moyen de règlement des conflits internationaux », précise l’article.
Shinzo Abe a assuré, hier soir, qu’il était toujours hors de question de projeter le pays dans des conflits lointains, même s’ils sont lancés par leur allié américain. Des interventions en Irak ou en Afghanistan seraient dès lors totalement exclues. « Nous n’allons pas nous transformer en une nation belliqueuse », a martelé le responsable. Par contre, l’armée japonaise pourrait venir en aide à un navire américain attaqué par une puissance asiatique hostile ou elle pourrait abattre un missile se dirigeant vers un territoire allié.
10.000 Manifestants à TokyoSi Tokyo se garde bien de pointer une menace précise, les experts expliquent que la réinterprétation de la Constitution est essentiellement motivée par la montée de l’agressivité de la Chine. Après avoir masqué ses ambitions réelles sous le masque conceptuel de « l’émergence pacifique », Pékin pousse, depuis le début de la décennie, avec brutalité ses ambitions territoriales dans la région pour s’imposer comme la seule puissance de la zone, devant les Etats-Unis.
Ressentie dans l’Archipel, cette angoisse de la Chine pourrait expliquer la faiblesse de la résistance à l’initiative de Shinzo Abe. Plus de 10.000 manifestants ont crié, hier soir, dans Tokyo leur opposition à l’« autodéfense collective », mais ils n’ont pas réussi à rallier à leur cause les partis politiques clefs.
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