Scorpion est la clef de la survie de l’industrie de l’armement terrestre française.
Nouveaux blindés, nouvelle façon de travailler, nouvelle doctrine : pour l’armée de terre, la DGA et les industriels concernés, Scorpion n’est pas un grand programme d’armement de plus. Le but, c’est de bâtir un « système de systèmes ». Autrement dit, de relier tous les équipements des GTIA – blindés, artillerie, radio des fantassins… – au travers d’un réseau de communication unique.
Aucune donnée à l’écran ne sera vieille de plus de dix secondes. Le temps entre la détection de la menace et sa neutralisation sera réduit au minimum. Les militaires appellent cela « le temps réflexe ».
Tout a démarré il y a dix ans environ, avec les réflexions autour de la bulle opérationnelle aéroterrestre (BOA). Ce programme de recherche a permis à Thales, Sagem et Nexter d’expérimenter des technologies de numérisation : électronique embarquée, robotique… Une étape importante a été franchie en 2010 avec la notification d’un marché d’architecture de système confié aux trois mêmes industriels.
Instruite des déboires du programme FCS – le « Scorpion » américain mort de sa complexité – la DGA a établi le partage des rôles : sachant qu’elle touchait ses limites en termes de compétences numériques, elle a confié la conception aux industriels, mais a conservé la maîtrise d’ouvrage. L’état-major de l’armée de terre a complété le trio qui a travaillé en plateau virtuel.
Deux grandes étapes d’ici 2025
Ces dix années de maturation ont permis de faire le tri dans les concepts et d’éliminer tout ce qui était trop risqué d’un point de vue technologique. Deux grandes étapes ont été définies entre maintenant et 2025 environ. La première, évaluée à 5 milliards d’euros, démarre avec le contrat annoncé vendredi par Jean-Yves Le Drian. Elle couvre la conception et le début de la fabrication des VBMR et des EBRC, la mise au point du système de communication unique (contre six actuellement), et la rénovation des Leclerc.
L’étape suivante, dont les chiffrages sont encore incertains, prendra le relais en 2020. Elle englobera la fin de la production des deux nouveaux blindés, l’évolution des VBCI (blindés d’infanterie lourds en service), de Félin (équipement individuel du fantassin) et une évolution du système informatique d’ensemble.
Ce qui sortira de Scorpion restera des décennies en service dans l’armée française. Qui plus est, l’effort sur la maîtrise des prix ouvre des perspectives à l’export. Le projet est donc pour la filière française de l’armement terrestre ce que le Rafale a été pour Dassault : un saut de génération qui conditionne sa survie dans la compétition mondiale.
L’enjeu industriel est tel que le ministère de la Défense s’est bien gardé de lancer un appel d’offres ouvert, prétextant le caractère stratégique de Scorpion pour la souveraineté nationale.
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La France veut construire le champ de bataille 2.0
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